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Combattre la résistance aux antibiotiques
Antibiotiques
Les antibiotiques sont un pilier de la médecine moderne, mais les agents pathogènes résistants menacent de plus en plus leur efficacité. S'il est nécessaire de prévenir l'usage abusif des antibiotiques chez l'homme et l'animal pour lutter contre cette pandémie désormais bien réelle, il est également nécessaire de développer de nouveaux antibiotiques capables de surmonter les mécanismes de résistance existants.
Grâce à la biologie structurale et à la caractérisation fonctionnelle à haut débit, nous réexaminons les mécanismes d'action des antibiotiques ciblant les ribosomes, en nous concentrant sur les états fonctionnels qu'ils ciblent. De plus, nous repensons la découverte d'antibiotiques comme un processus d'évolution dirigée où le ribosome bactérien est utilisé à la fois comme outil de production de peptides et comme cible. Nous nous intéressons particulièrement aux molécules ciblant de nouveaux sites sur le ribosome, car elles pourraient servir de base pour concevoir des antibiotiques contournant les mécanismes de résistance connus.
Nos publications phares
Le ribosome est une cible majeure des antibiotiques
Nous pensons que la capacité des antibiotiques actuels à traiter les infections résistantes aux médicaments peut être améliorée grâce à une approche structurale. Pour ce faire, il est toutefois nécessaire de connaître au préalable les mécanismes d'action détaillés des médicaments à optimiser.
Le ribosome bactérien est une cible pour plusieurs grandes classes d'antibiotiques, notamment des molécules qui bloquent la formation de liaisons peptidiques (chloramphénicol, oxazolidinones), entravent la synthèse et le mouvement des protéines naissantes à travers le tunnel de sortie du ribosome (macrolides), interfèrent avec le décodage de l'ARN messager (aminoglycosides) ou empêchent la translocation des ARNt pendant l'étape d'élongation de la synthèse des protéines (tubéractinomycines).

La traduction bactérienne est la cible de nombreuses classes d’antibiotiques (listées en rouge).
Les antibiotiques ciblant les ribosomes sont dérivés de produits naturels extraits de microbes du sol à l'âge d'or de la découverte des antibiotiques (années 1950-1960). La recherche de molécules améliorées impliquait principalement le criblage de vastes banques de composés en fonction de leur concentration minimale inhibitrice (CMI). En revanche, une approche d'optimisation basée sur la structure permet de limiter le nombre de composés à cribler. Cependant, de nombreux antibiotiques ciblant les ribosomes ne sont pas de bons candidats pour une approche basée sur la structure, en raison de mécanismes d'action mal compris.
Inhibition de la traduction dépendante du contexte
Notre compréhension limitée de ces mécanismes est devenue particulièrement évidente ces dernières années avec la prise de conscience que l’inhibition de la traduction peut dépendre du contexte.
En effet, les ribosomes rencontrent une variété d'acides aminés, de molécules d'ARNt et d'ARNm, de sorte que le contexte moléculaire dans lequel la traduction a lieu change à mesure que le ribosome progresse le long d'un ARNm. Nous savons maintenant qu'un nombre croissant d'antibiotiques bloquent la traduction d'une manière qui dépend de la composition du complexe traductionnel, et les approches structurales et biochimiques modernes nous permettent de déterminer les bases moléculaires sous-jacentes à cette dépendance. Un exemple classique est l'érythromycine, dont nous avons caractérisé le mécanisme d'action général dans le cadre d'une étude collaborative du peptide leader ermD (Beckert et al. (2021) Nat Commun) .
Un autre antibiotique suspecté d'inhiber la traduction de manière contextuelle est la tétracénomycine X (TcmX). En utilisant l'iTP-seq pour évaluer le potentiel de blocage des ribosomes d'une vaste collection de séquences d'acides aminés en réponse à TcmX, nous avons découvert que cet antibiotique bloque préférentiellement la traduction des peptides dotés d'un motif Gln-Lys (QK) (Leroy et al. (2023) Nat Chem Biol). Grâce à la cryo-EM haute résolution, nous avons pu montrer que TcmX inhibe la traduction au niveau des motifs QK par un mécanisme inhabituel impliquant la séquestration de l'extrémité 3' du peptidyl-ARNt dans le tunnel de sortie du ribosome. En révélant le mécanisme d'action de TcmX, nos travaux ont suggéré une voie à suivre pour la fabrication de dérivés améliorés de cet antibiotique avec une affinité et une spécificité accrues pour le ribosome bactérien.
​Nous continuons d’évaluer systématiquement la dépendance au contexte des antibiotiques ciblant les ribosomes afin d’obtenir les informations mécanistiques détaillées nécessaires au développement d'antibiotiques aidé par la structure.
Les peptides sont-ils l’avenir des antibiotiques ?
Alors que le développement de nouveaux antibiotiques tend à se focaliser sur l'amélioration des composés existants ou sur l'identification de composés naturels, nous proposons une approche différente, inspirée par le constat que de nombreux antibiotiques ciblant les ribosomes sont en fait des peptides. Ces derniers offrent des avantages uniques par rapport aux petites molécules thérapeutiques : ils peuvent être génétiquement codés et produits par le ribosome, sont facilement modifiables et représentent un vaste champ chimique pour la découverte d'antimicrobiens.
Afin de donner la priorité à la découverte de nouvelles classes d'antibiotiques ne présentant pas de résistance croisée aux médicaments connus, nous repensons le processus de découverte d'antibiotiques comme un défi d'évolution dirigée, dans lequel de vastes banques de peptides produits par les ribosomes sont examinées pour leur activité antimicrobienne, permettant l'identification à haut débit de nouveaux composés à potentiel thérapeutique.
Restez à l’écoute à mesure que nous nous rapprochons de cet objectif !